jeudi 10 juin 2010

Les lapins vus par un auteur du siècle dernier

A l'occasion des 100 ans de la mort de Jules Renard, auteur du XIXe siècle français, j'ai chiné 2 textes en rapport avec les lapins. Jules Renard a beaucoup écrit sur les animaux, des textes parfois plein de charme, parfois d'une rare cruauté.

Ces textes sont l'occasion de nous pencher un peu sur le regard que portaient à cette époque les hommes sur les lapins. On comprend d'où viennent certains de nos préjugés actuels (le lapin considéré comme une poubelle de table dans Poil de Carotte par exemple). Mais cela nous montre aussi que les choses ont parfois régressé entre temps : alors qu'il paraissait logique de donner de la salade et de l'herbe à un lapin il y a 130 ans, on rencontre encore aujourd'hui des vétérinaires ou des vendeurs d'animalerie prétendre qu'un peu de verdure serait fatal au lapin de compagnie...

1er extrait, Les lapins (in Histoires Naturelles)

Dans une moitié de futaille, Lenoir et Legris, les pattes au chaud sous la fourrure, mangent comme des vaches. Ils ne font qu’un seul repas qui dure toute la journée.
Si l’on tarde à leur jeter une herbe fraîche, ils rongent l’ancienne jusqu’à la racine, et la racine même occupe les dents.
Or il vient de leur tomber un pied de salade. Ensemble Lenoir et Legris se mettent après.
Nez à nez, ils s’évertuent, hochent la tête, et les oreilles trottent.
Quand il ne reste qu’une feuille, ils la prennent, chacun par un bout, et luttent de vitesse.
Vous croiriez qu’ils jouent, s’ils ne rient pas, et que, la feuille avalée, une caresse fraternelle unira les becs...


Je me suis permise d'illustrer ce texte de cette petite photo de Malou & Talisman car c'est tout à fait l'esprit, je trouve! J'espère que cela n'embêtera pas leur propriétaire.


2ème extrait : l'épisode du melon (in Poil de Carotte)


Il ne reste plus de melon pour toi, dit madame Lepic ; d’ailleurs, tu es comme moi, tu ne l’aimes pas.
— Ça se trouve bien, se dit Poil de Carotte.
On lui impose ainsi des goûts et des dégoûts. En principe, il doit aimer seulement ce qu’aime sa mère. Quand arrive le fromage :
— Je suis bien sûre, dit madame Lepic, que Poil de Carotte n’en mangera pas.
Et Poil de Carotte pense :
— Puisqu’elle en est sûre, ce n’est pas la peine d’essayer.
En outre, il sait que ce serait dangereux. Et n’a-t-il pas le temps de satisfaire ses plus bizarres caprices dans des endroits connus de lui seul ? Au dessert, madame Lepic lui dit :
— Va porter ces tranches de melon à ces lapins.
Poil de Carotte fait la commission au petit pas, en tenant l’assiette bien horizontale afin de ne rien renverser.
À son entrée sous leur toit, les lapins, coiffés en tapageurs, les oreilles sur l’oreille, le nez en l’air, les pattes de devant raides comme s’ils allaient jouer du tambour, s’empressent autour de lui.
— Oh ! attendez, dit Poil de Carotte ; un moment, s’il vous plaît, partageons.
S’étant assis d’abord sur un tas de crottes, de séneçon rongé jusqu’à la racine, de trognons de choux, de feuilles de mauve, il leur donne les graines de melon et boit le jus lui-même : c’est doux comme du vin doux.
Puis il racle avec les dents ce que sa famille a laissé aux tranches de jaune sucré, tout ce qui peut fondre encore, et il passe le vert aux lapins en rond sur leur derrière.

En photo, mes lapins mangeant de la pastèque, qui est, avec le melon un de leurs fruits de prédilection. Rappelons que le vert, contrairement à ce que semble croire Poil de Carotte, est très nocif pour les lapins. Et une petite illustration très mignonne que j'ai extraite d'un site internet.

4 commentaires:

  1. C'est vrai que souvent les lapins sont pris pour des poubelles de table.
    Encore ce matin mon père tout content me tend un sac pour les lapins...
    Contenant des fannes de carottes, ça ça va!
    Mais aussi des trognons d'endive marron...
    Je lui ai redis que mes lapins n'étaient pas des poubelles et qu'on ne devait pas donner à un lapin ce qu'on ne mangerais pas nous même.
    Et à chaque fois il répond" nous dans le temps on les nourrissait bien comme ça"
    Sauf que c'était pour les manger, donc ces lapins avaient une espérance de vie très courte, je lui répond ça à chaque fois, mais ça n'a pas l'air de rentrer dans sa tête!
    Ou alors il repart à dire que les lapins il les mange... Je le coupe de suite, ça ménerve...

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  2. C'est drôle, quand j'ai vu " Jules Renard", j'ai immédiatement pensé au chapitre des melons !J'ai étudié cet extrait avec mes 6èmes la semaine dernière, et, déformation margueritienne oblige, j'ai précisé qu'il ne fallait pas donner d'épluchures de melon à un lapin ! Rigolo, non ? Li-lou

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  3. Ahh c'est rigolo ça!!
    Je ne suis pas une immense fan de Jules Renard mais certains de ces textes sont vraiment adorables. Comme le Papillon par exemple :
    "Ce billet doux plié en deux cherche une adresse de fleur"

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  4. C'est vrai que mes loulous illustrent bien le premier texte ! En plus comme Talisman est de plus en plus foncé on pourra un jour les appeler Lenoir et Legris !

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